Enseigner en France VS enseigner au Quebec / Quelles différences ?
Il est grand temps, après 5 mois d’installation ici et d’enseignement dans une école québécoise de vous livrer enfin les différences entre l’enseignement en France et l’enseignement au Quebec. Et si en matière de pédagogie, je ne remarque pas de différences flagrantes, il y a dans le fonctionnement québécois, plein de différences qui font qu’en quelques sorte, il est bien plus aisé de travailler au Quebec dans un centre de service que de travailler dans l’Education Nationale.
Mon ressenti est personnel et mes remarques aussi, elles sont basées sur mon expérience.
Ce que je vais écrire me concerne et si je me sens bien et à ma place dans le système québécois, ça peut ne pas être le cas de tout le monde.
Mes écrits ne sont donc pas une généralité, mais plutôt mes propres constats.
L’organisation d’une école au Québec :
Tout d’abord, commençons par le commencement, l’organisation d’une école.
Ici les écoles sont considérées comme petites s’il y a 15 enseignants et 15 classes, c’est à dire environ 300-345 enfants. Une école est considérée comme moyenne, si elle est composée d’environ 600-800 élèves et s’il y a encore plus d’élèves, alors c’est une grosse école.
Première différence, dans les écoles québécoises, la maternelle et le primaire sont mélangés. Les classes vont du préscolaire jusqu’à la 6eme année. La maternelle s’appelle le préscolaire et commence à 5 ans. Dans certains milieux, plus défavorisés, la maternelle peut commencer à 4 ans. Les enfants ont donc, à ce moment, 2 ans de préscolaire.
Ensuite, ils rentrent en 1ere année (CP), puis 2eme année (CE1) et ainsi de suite jusqu’à la 6eme, avant de passer au secondaire (appelé collège en France). Les plus grands de l’école ne sont donc pas les CM2 (5eme année), mais les 6eme.
Qui fait quoi dans une école au Quebec ?
En ce qui concerne les différents rôles et postes dans un école québécoise, tout d’abord, il y a un directeur, si c’est une moyenne ou grosse école, il y aura surement aussi un directeur adjoint. Ces 2 personnes sont vos supérieurs hiérarchiques, ce sont elles qui gèrent l’école et qui vous évaluent si vous êtes nouveaux enseignants. Ce ne sont donc pas vos collègues que vous invitez à un pot d’anniversaire ou de noël. D’ailleurs souvent ici, on va appeler la directrice en disant « il faut voir avec la direction ».
Ensuite, il y a le secrétariat avec un ou une secrétaire, ce sont eux qui gèrent toutes les questions d’absences, de remplacement, classent les dossiers des élèves, gèrent les factures de classe et les différents budgets… etc
Evidemment, il y a les enseignants, mais aussi des enseignants spécialistes qui s’occupent de l’anglais, de la musique et de l’éducation physique.
Ensuite, dans le écoles il y a les orthopédagogues, qui sont comme des maître E, elles viennent prendre les élèves en difficulté dans les classes pour les aider en dehors de la classe, mais sur le temps scolaire.
Les TES qui sont des éducatrices en charge d’aider les enseignant(e)s dans les classes ou en dehors de la classe pour des élèves qui présentent des comportements compliqués (violences, mauvais comportements en classe) ou des troubles (troubles de l’autisme, troubles de l’hyper activité etc…)
Puis plusieurs fois par semaine, il y a une orthophoniste, une psychologue scolaire, une psycho éducatrice qui sont disponibles sur l’école.
Toutes les personnes présentées ont des locaux bien définis, souvent bien équipées en fonction de leurs besoins.
Il y a aussi une banque de suppléants (remplaçants) , c’est à dire une liste dans une application informatique qui recense tous les remplaçants disponibles dans un centre de service. Les remplaçants sont appelés en avance ou le matin même, si urgence, pour remplacer l’enseignant manquant. Cela signifie, que jamais les élèves ne sont repartis dans les classes comme en France, ils ont toujours quelqu’un devant eux. Les remplaçants sont souvent des étudiants en dernière année d’étude d’enseignement, plutôt jeune, mais en général bien formés.
Stop, on fait une pause, on respire. Ok, la fille veut nous assumer avec toutes les données là ?
Comme, il serait vraiment long de tout vous détailler dans un article, alors je vais vous dire les points marquants constatés à mon arrivée dans le système, les choses que j’aime et les choses qui me déplaisent dans ce nouveau système.
Qu’est-ce qui m’a marqué quand j’ai découvert le système québécois ?
Point n°1 : beaucoup de moyens humains dans les écoles, beaucoup de professionnels pour aider les élèves sur tous les points : pédagogique et éducatif
Oui, j’ai été agréablement surprise par le nombre de personnes disponibles dans l’école comme aides auprès des élèves. Dans ma classe, j’ai un élève qui présente un TSA et un autre un TDAH. J’ai toutes les aides nécessaires au quotidien pour qu’ils soient inclus dans ma classe et que tout se passe bien. Ils ont un bon suivi plusieurs fois par semaine par une TES, une orthopédagogue et une psychologue. C’est une véritable chance, pour les élèves, comme pour les enseignants d’avoir des moyens humains dans une école. Cela permet de se concentrer sur les choses importantes à faire dans une classe : l’apprentissage et le développement de l’enfant dans une bulle favorable au bien-être.
A titre d’exemple, c’est aussi vraiment chouette d’avoir des TES (éducateurs) dans les écoles. Je ne suis pas dans une école difficile, mais quel plaisir d’avoir une personne qui peut prendre ton élève qui retourne la classe ou qui fait une crise (TDAH) pour l’emmener au dehors, parler avec lui, pendant que toi tu peux continuer d’avancer avec tes élèves sur les apprentissages.
Je le disais souvent à une copine éducatrice en France, que je ne comprenais pas pourquoi, dans les REP et REP+ françaises, on avait pas la possibilité de travailler avec eux au sein des écoles.
C’est vraiment chouette aussi d’avoir une orthopédagogue qui ne travaille pas sur 6 écoles, comme en France, et qu’il ne faut pas supplier, se battre, monter 7 dossiers pour qu’elle accepte enfin de prendre ton élève qui ne sait ni lire ni compter en CE1. Je n’ai rien contre les maîtres E en France, loin de là, mais par faute de budget, ils sont contraints de faire des choix parmi les élèves en difficulté et c’est triste.
Point n°2 : le niveau d’anglais des élèves :
Alors, oui je sais on est au Canada, mais le Quebec reste une partie francophone, alors j’étais étonnée de voir un niveau d’anglais assez élevé. Quand je vois le professeur d’anglais entrer dans ma classe, devant mes élèves de 4eme année (CM1) et leur faire rédiger en anglais des textes sur ce qu’ils aimeraient faire plus tard, puis avoir des grandes conversations avec eux en anglais. Au final, j’ai limite honte de ce que j'ai pu faire en CM1 en France avec mes flashcards de banane, de chat et de lapin…
Je pense qu’en fin de CM1, les élèves ont quasi un niveau B2.
Shame on France ! hahaha
En effet, ici, les élèves apprennent l’anglais avec des professeurs d’anglais (des vrais, vous savez ceux qui parlent anglais comme dans les films américains, voir mieux, je précise parce qu’en France, on sait plus ce que c’est je crois…) plusieurs fois par semaine et ce depuis la 1ere année (CP).
Point n°3 : le matériel informatique et l’utilisation de la suite google :
Heureusement que je suis arrivée ici avec déjà des connaissances en informatique et une certaine aisance, car ici tout est en réseau. Hop, on te donne un ordinateur de fonction avec messagerie outlook, application teams pour faire les visios, puis avec les élèves on te demande d’utiliser la suite google avec tous les outils de google : à savoir google docs, drive, slide, classroom etc.
C’est donc tout un apprentissage au niveau informatique qui doit être fait, et par les enseignants et par les élèves.
J’étais assez étonnée de voir qu’il y avait autant de matériel informatique à ma disposition. En effet, quand je pense que l’an dernier en France, la seule chose que j’avais dans ma classe comme moyen, c’était une tablette samsung achetée par mes soins et une salle informatique avec 9 ordinateurs assez démodés sur 15 qui fonctionnent…..
Cette année, dans ma classe, j’ai 2 ordinateurs pour moi, un TBI et une camera type HUE.
Dans l’école, nous avons 4 chariots avec 30 chromebook (ordinateurs portables pour les élèves). 2 chariots par étage avec un planning de réservation en ligne, ce qui fait que nous utilisons environ 2h par semaine les ordinateurs avec ma classe, ce n’est donc pas occasionnel, mais presque un apprentissage hebdomadaire où chaque élève peut utiliser un ordinateur et pas un ordinateur pour 2 ou 3. Nous avons aussi un chariot de 30 iPad et une salle informatique, mais la salle est interdite à cause de la covid.
Qu’est-ce que j’aime le plus dans le sytème québécois ?
Ce que j’aime le plus ici, c’est le bien-être qu’on retrouve dans le cadre de son travail. Le climat de travail est bienveillant, aussi bien dans la classe avec ses élèves qu’entre collègues.
Les classes sont faites pour être des lieux d’apprentissage et de bien-être, les élèves sont heureux de venir à l’école, les enseignants aussi. Très honnêtement, cette année je retrouve un réel plaisir à enseigner. Je rigole avec mes élèves tous les jours et ils sont aussi épanouis, que je le suis.
Il y a aussi plus de fun dans l’enseignement, dans le sens où ce n’est pas mal vu de regarder un film le vendredi en dernière heure avec tes élèves ou de faire un just dance/ un karaoké à la collation ou qu’il y ait du bruit dans ta classe.
Quand tu es fatiguée, un peu à bout, tes collègues te disent « prends un jour sur tes jours de congés, prends du temps pour toi , fais toi une journée off !’
On ne te fait pas culpabiliser. « Oh regarde elle s’arrête, elle veut plus travailler celle-là » tant de fois entendu en salle des maîtres en France.
Dans l’école, chaque enseignant fait partie d’un comité. Les enseignants qui font partie du comité social sont en charge d’organiser des sorties, des apéros, des rencontres, mais là, à cause du covid, ce n’est pas possible alors elles déposent des petites attentions dans nos casiers : des petits kit kat, des petits mots motivants etc ! Ça a l’air de rien comme ça, mais je vous promets que commencer sa journée ainsi, c’est super agréable.
J’aime aussi le fait que les enseignants d’un même niveau de classe travaillent ensemble et se partagent tout. Cela permet vraiment d’échanger et d’alléger la charge de travail. Au quotidien, ça change la vie.
Je travaille en présentiel 32 heures semaines, mais dans chaque journée, j’ai toujours 1 ou 2h de temps libre car mes élèves sont avec un spécialiste (anglais, sport ou musique), ce qui me laisse du temps pour m’avancer dans mon travail et moins travailler chez moi le soir ou le week end.
Qu’est-ce que j’aime le moins ?
J’aime moins le fait qu’ici les arrêts maladies courts n’existent pas. Nous avons tous un stock en début d’année scolaire de congés : 6 jours de congés maladies, 3 jours pour affaires personnelles et des jours pour les personnes qui ont des enfants. Ce sont les seuls jours que l’on peut poser. Cela signifie que si tu as une grippe qui durent 2 semaines, tu vas d’abord épuiser tes congés payés, mais ensuite le temps de te remettre ce seront des jours qu’on va t’enlever de ton salaire. Donc pour le moment, c’est plutôt chouette car je ne suis pas malade, donc j’utilise ces jours pour me reposer quand je suis vraiment à bout : j’en ai pris qu’un fin octobre et une demie journée pour aller faire échanger mon permis, mais j’imagine que si tu es très malade ou avec une santé fragile, ce n’est clairement pas le système idéal et en plus d’être malade, tu risque d’être vite à sec financièrement.
J’aime aussi moins le fait qu’évidemment, il y ait beaucoup moins de vacances, puisqu’ici nous avons les 2 mois d’été, 2 semaines à noël et 1 semaine en mars. Et attention, ici les enseignants sont aussi considérés comme très très chanceux d'avoir autant de vacances, parce que la plupart des gens au Canada n’ont que 2 semaines de congés payés par an et ce peu importe le secteur.
Mais ce sont vraiment des détails, il y a surement d’autres défauts, mais il est encore trop tôt pour les voir, ou alors je me laisse obnubiler par tout le positif.
Ce fut un grand article, dans lequel j’ai sûrement omis encore des détails et qui pourra être complété par la suite au fil de mes constats, mais j’espère qu’il permettra d’avoir un meilleur aperçu de l’enseignement au Québec. Peut-être que je ferai un article sur le déroulement d’une journée de classe, même si malgré les temps de collation ou de spécialiste, le déroulement se rapproche beaucoup de celui en France.
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